Ô qu’elle est joliment expressive, l'image ! Ombre, regard, homme et objets se disputent la direction à prendre. Certains composants du paysage s'opposent au vent, d'autres dont le turban le suivent. Et tous se livrent un combat de volonté acharné et passionnant. Pour le saisir, pas besoin de faire preuve de génie. Il suffit d'observer simplement au-delà des apparences : au-delà des contrastes de couleurs, au-delà des bruits ou silences de la nature, de ses petits détails ou faits mineurs manifestement anodins.
Fantastique, en effet, comment un petit pan de tissu remué par des courants d'air puisse faire rêver, fantasmer, philosopher...
Majestueux ou provocateur, ce turban aux prises avec de mauvaises conditions météorologiques ? En tout cas il interpelle. Il s'arrache à l'autorité de son poroprietaire, se deploie, s’évade, plane, se rebelle… fortement agité par un vent de sable, violent et agressif. Un vent qui emporte tout sur son passage, balayant de ses rafales une nature austère qui, elle aussi, tape durement de son côté.
Les espèces vivantes, qui par le passé arrivaient à s’y adapter, se rarefient de plus en plus dangereusement. Celles qui résistent toujours ont énormément de mal aujourd’hui à supporter cette pénibilité invivable qui affecte rudement objets et êtres. Ici, faune, flore et paysages subissent progressivement les effets d'une désertification rampante et d'un changement climatique qui frappent terriblement le Sahara depuis plusieurs décennies. Là réside le vrai défi pour l’homme sahélien.
Et que fait ce dernier justement, l'homme au boubou bleu flottant au vent? Il est eprouvé, certes. ll ne se laisse cependant pas faire : endurant et tenace comme tous les gens qui vievent dans cet environnement.
Il se protège, se couvrant les yeux en cachant la tête entre les épaules. Les doigts fortement agrippés au turban rebelle, il enfonce les pieds courageusement dans ces dunes de sable mouvant qui s'étendent à l'infini, chauffées et illuminées par les rayons d’un soleil brûlant. Il y prend de solides appuis et résiste aux aléas de la nature, à ses assauts, à l’adversité. Il ne lâche pas prise.
Il se dit sur un ton interrogateur, lançant un grand défi à son adversaire: ‘’Ose-t-il me vaincre, ce méchant vent?’’.
Avec une telle volonté de survie, la réponse est naturellement non. Pas en tout cas quand il est dans cette posture de combat qui force le respect, malgré que son challenger continue de souffler sans se soucier de quoi que ce soit.
Tout au plus, dans cette situation, le vent pourra déstabiliser ou soumettre momentanément cet homme courageux. Et encore !
Têtu qu'il est, un fils du désert, habitué aux contrées inhospitalières et à leur climat pénible, ne s'avouera jamais vaincu. Aguerri et armé d’une foi inébranlable, il ne reconnait jamais la défaite. Quand il perd le contrôle d'une situation, il sait que ce n'est pas à cause de sa faiblesse ou de sa mauvaise volonté, mais c'est parce que le cours des évenements est irrévocablement fixé à l'avance par une force surnaturelle qui le depasse et le domine.
Le Croyant qu'il est, garde tout le temps la bonne explication présente à l'esprit : le Bon Dieu a tout simplement voulu que les choses soient ainsi. Et lui s'y résigne en puisant des forces là-dedans.
En conséquence, paradoxal que cela puisse paraître, ce fatalisme est doublement avantageux pour celui qui le porte : profondément consolant face à l'impuissance ou l'échec, il sert en même temps de force dans le combat pour la vie. Un bel outil de succès.
Se laisser guider par une telle force sprituelle stimulante constitue pour le croyant un motif d'espoir et une source d'energie inépuisables. Pour lui, fatalisme n'est pas forcement défaitisme, loin s'en faut !
El Boukhary Mohamed Mouemel
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