En 1977, au cours d'un examen oral, j'étais face à un jury de trois personnes dont deux m'étaient apparentées par des liens de famille et de cohabitation séculaire.
Je savais bien qui ils étaient mais pour eux, je n'étais qu'un jeune candidat anonyme parmi tant d'autres... Un numéro sur une liste quelconque où étaient inscrits des centaines de jeunes des quatre coins de la Mauritanie...Pas question de leur dévoiler mon identité !
Ça serait inutile et j'en aurais honte, tellement j'étais convaincu qu'autour de moi, ce créneau n'était pas porteur...
Je croyais - peut-être naïvement - que ces considérations "archaïques" étaient révolues à jamais et que, pour de bon, elles ont cédé leur place, dans l'esprit de mes compatriotes, au patriotisme et au droit à l'égalité des chances.
Aujourd'hui, presque un demi-siècle après, pour me faciliter le moindre service auquel j'ai bien le droit, je m'empresse de réciter mon arbre généalogique et de rappeler les mérites de mes aïeux et les grands faits ma tribu d'adoption...
Et tant pis pour le curriculum, les diplômes et les autres trucs des temps modernes...!
Que s'est-il donc passé depuis ? Et quelle voie avons-nous suivie pour marcher à reculons au moment où les autres peuples prennent le sens opposé, bravant les embûches et les attributs du désespoir ?
Beaucoup de personnes bien intentionnées ne manqueront pas de sauter sur l'occasion du quarantième anniversaire du 10 Juillet pour mettre toute cette dégradation sur le dos des militaires.
Je les comprends bien, mais je récuse toujours les réponses automatiques et je crois que chaque énigme cache derrière sa complexité un certain nombre de raisons qu'on ne doit pas imputer à un seul acteur, si coupable soit-il.
Donc, le but de cet article n'est pas de charger le 10 Juillet et encore moins de le disculper. J'ai pourtant vécu toutes les péripéties et je n'ai encore rien oublié... Mais ça, c'est une autre histoire et elle n'est pas à l'ordre du jour.
J'aimerais simplement bénéficier des compétences d'un vrai sociologue désintéressé pour lui poser la question suivante :
Pourquoi, en tant que vaillant peuple, ne perdant jamais l'occasion d'étaler "nos brillantes qualités historiques", sommes-nous aussi friables et aussi malléables à travers l'histoire ?
Un vieil adage arabe (Portez à chaque temps le vêtement qui lui convient) nous a certainement légué sa substance; car quels que soient les changements opérés dans la vie, nous nous y accommodons comme si jamais nous n'avions vécu autrement.
C'est pourquoi nous avons milité au PPM et vanté les mérites du Père fondateur de la nation, et c'est pourquoi aussi ses plus proches soutiens se sont démarqués de lui au soir du 10 Juillet 1978... Comme si de rien n'était !
Puis, le "volontariat" nous a tous transformés en maçons, ouvriers et autres travailleurs manuels... Et les applaudissements se faisaient entendre de plus belle jusqu'au jour où les Structures d'éducation des masses sont venues structurer tout le monde sous l'œil approbateur des cadres qui faisaient la pluie et le beau temps durant l'ère du régime déchu... Nous nous sommes vite accommodés, sans rechigner...
Et le PRDS est venu tout bouleverser pour mener à sa façon la plus grande métamorphose sociale de l'histoire nationale... Oubliés le PPM et ses meetings, le Volontariat et ses pelles, les Structures d'éducation des masses et leurs zones et unités de base...!
Personne ne pensait que ce PRDS-là allait un jour succomber à l'obligatoire destin d'anéantissement...
Et pourtant, au soir du 03 Août 2005, ses bureaux ont été vidés par les plus inconditionnels ; et rares aujourd'hui sont ceux qui ne piquent pas une crise de colère si, pour les taquiner, vous leur rappelez qu'ils y ont milité autrefois...
Et nous voilà aujourd'hui dans l'ère du mouvement de "Tashih" qui - sans qu'on ne le lui souhaite nécessairement - finira un jour...
Garderons-nous son souvenir ou allons-nous le diaboliser ce jour-là ?
Quelle que soit la réponse, il est temps que nos sociologues et autres connaisseurs se penchent sur leurs études pour nous expliquer nos spécificités réelles et nous édifier sur les raisons de notre problématique capacité d'oubli et de réadaptation.
Mohamed Ould Ahmed Meidah dit "Demba"
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