Pour que les composantes d’une nation se sentent solidaires, s’épanouissent, il faut qu’elles soient persuadées de partager des valeurs fondamentales. Ce socle fondateur est constitué des valeurs que sont : l’espace, la culture, une communauté d’intérêts et de références partagés mais surtout une histoire et un destin communs. Il faut avouer – hélas ! le très peu d’intérêt que nous avons de tous temps, en tout cas depuis que nous jouissons de notre souveraineté internationale, accordé à nos culture et histoire communes. Ces regrettables cloisons sociales, l’absence du sentiment de partage d’un destin commun, le refus de se reconnaître en l’autre ne sont en fait que les résultantes de l’absence de ce socle fondateur.
Sous la première république, malgré un déficit démocratique criant et une cohésion sociale en deçà de l’idéal, il y avait tout de même une base fondatrice minimale qui pouvait et qui a d’ailleurs posé les premiers jalons de l’embryon d’une nation. Des témoignages nous ont rapporté des frictions, des incompréhensions passagères ; mais de ce que nous savons, il y a toujours eu consensus sur l’essentiel.
Il est urgent de briser cette méfiance et ces clivages intercommunautaires en développant et en valorisant nos bases historiques communes et en enseignant à chacun les valeurs et l’histoire de l’autre, valeurs et histoire que nous devons nous approprier et faire nôtres les uns et les autres. A l’instar des peuples qui comptent dans ce monde, nous ne saurions faire l’économie du train de mesures sans lesquelles nous dériverions de la voie qui mène vers l’accomplissement d’une nation :
- Reprendre et réadapter des programmes de l’enseignement ; de la maternelle à l’université qui valorisent notre patrimoine culturel et historique, des programmes à concevoir suivant une démarche historique scientifique, inclusive et sincère.
- Réécrire l’histoire des merveilleuses missions de propagation de l’Islam menées par les érudits mauritaniens en Afrique et à travers le monde.
- Réécrire les glorieuses luttes anticoloniales au nord, à l’est comme au sud, dépoussiérer les archives du commerce transsaharien, et de la vie autour des comptoirs.
- Vulgariser l’histoire de la naissance de l’Etat mauritanien, mettre en évidence et valoriser le rôle de nos grands pionniers de l’indépendance. Dire aussi toute la vérité sur les dissidences, les résistances et les luttes internes entre les pères fondateurs de la République Islamique de Mauritanie.
- Réhabiliter les faits d’armes de nos résistants historiques au nord, à l’Est comme au sud du pays, mais aussi de nos unités de combat et de nos vaillants officiers, sous-officiers, hommes du rang et des volontaires supplétifs qui ont chaque fois répondu au premier appel pour la défense nationale.
C’est ici l’occasion de rappeler à tous que l’engagement du soldat à l’appel du devoir de la défense de la patrie n’a pas et ne doit surtout être conditionné par le jugement de valeur de celui-ci sur le bienfondé de sa mobilisation. Ce soldat s’est engagé et a prêté serment de répondre à l’appel des autorités légales nationales pour la défense de son pays, nonobstant toutes considérations politiques ou autre ayant motivé le conflit. C’est sous cet angle que nos hommes vivants ou morts qui se sont investis dans la défense de leur pays doivent être observés et c’est pour ces raisons qu’il nous incombe le devoir de les honorer. L’on ne peut, sous prétexte d’arguments venus à postériori, cracher sur le sacrifice de ces grands patriotes morts pour la Mauritanie, ni passer en pertes et profits leur engagement jusqu’au don de soi.
- C’est la vulgarisation de notre culture et de notre histoire, l’hommage à nos savants et nos héros qui cultiveront chez la jeunesse le goût du savoir et du sacrifice. Je suis littéralement sidéré chaque fois que j’assiste à des débats, des documentaires historiques ou que je suis des témoignages radiodiffusés ou télévisés sur la Mauritanie, par le peu de place que l’on accorde à la période pré-indépendance. Il y a comme une connivence tacite à escamoter les années 1890-1950 et 1950-1660. De ces grands patriotes qui ont interdit au colonisateur de se fixer et de nous assimiler ainsi qu’il l’a fait ailleurs en Afrique, comme de ceux qui sont à l’origine de la naissance de cette nation, jamais, avant l’avènement du pouvoir du Président Mohamed Ould ABDEL AZIZ l’on en a fait mention officiellement. Il y avait comme une autocensure convenue à tous les niveaux, y compris celui de l’opinion ambiante et de la presse privée. Ces grands hommes, quand on en sortait de temps à autre un ou deux des tiroirs que l’on dépoussiérait, c’était pour les besoins d’une publicité de mauvais goût et l’on s’empressait de les y renfermer aussitôt le folklore terminé. Elle est heureuse et salutaire cette prise de conscience, il est important que l’on ait compris qu’un peuple qui ne s’adosse pas à son histoire et aux hommes qui l’ont faite navigue sans repères et sans critères de valeurs pour s’évaluer tout au long de sa marche. C’est cette approche, cette revalorisation des faits et des hommes fondateurs qui donneront à tout un chacun dans le présent, l’envie et la volonté d’œuvrer pour s’inscrire dans l’histoire de la nation, se soustrayant ainsi à la seule préoccupation qui obnubile les générations actuelles: la réalisation de leurs ambitions bassement matérielles. C’est ce qui explique que l’on n’ait pas connu chez nous, depuis de longues décennies, l’émergence d’homme d’envergure de grand charisme. Les générations se sont détournées des valeurs immatérielles qui constituent le fondement durable des nations pour ne se préoccuper que du quotidien, de ce quotidien abrutissant et avilissant.
Les grands hommes ne tombent pas du ciel, ils sont le produit de leur civilisation et leur civilisation n’est que l’accumulation de leur histoire et de la mémoire de celle-ci. En l’absence du lien qui lie l’une à l’autre, les générations se succèdent sans jamais constituer réellement un ensemble homogène ayant vocation à vivre en symbiose.
Les compétences et le charisme s’acquièrent certes au sortir du long moule de l’éducation et de la formation ce, de la préadolescence à l’âge adulte, mais faut-il encore que ces qualités trouvent un terrain fertile en une personnalité faite pour, une personnalité qui est le produit de la longue évolution de sa société avec des prédispositions naturelles à assumer, entretenir l’identité et les ambitions de celle-ci.
Le mimétisme, si ressemblant soit-il, ne mène nulle part, on a beau être grand et gesticulant, cela ne saurait faire de nous un DE GAULLE, de même que l’on peut mimer tous les discours et toute la gestuelle de Nasser, cela ne nous métamorphosera jamais en Gamal.
Pour nous, elle aura toujours un visage, la Mauritanie.
Le visage de ces hommes qui l’ont marquée de leur emprunte indélébile : Les Présidents Moktar Ould DADDAH et Mohamed Ould ABDEL AZIZ
Le premier, contre vents et marais, a planté les fondements d’une vraie Nation et inculqué aux bédouins insaisissables que nous sommes les principes rudimentaires de citoyenneté et imposé ce pays comme membre à part entière de la communauté internationale. Le second est entrain de faire de cet espace fait de bric et de broc un état doté d’infrastructures solides sans lesquelles aucun développement ne saurait être envisagé mieux, il est entrain de s’échiner à nous tirer des ténèbres de l’archaïsme pour nous inscrire dans ce 21eme siècle si impitoyable.
A l’un comme à l’autre je dis toute ma reconnaissance en souhaitant que mes compatriotes de bonne foi prennent leur courage à deux mains et en fassent autant, quelles que soient par ailleurs leurs sensibilités politiques.
Pour nous réapproprier notre destin et reprendre la marche qui devait être la nôtre, nous devons impérativement revenir sur les impasses faites dans la transcription de notre histoire, enseigner aux enfants ce qui s’est passé en ces périodes, leur parler de la merveilleuse lutte de leurs ancêtres pour la défense de leur espace vital, de leurs valeurs religieuses et sociales. Leur parler aussi de ceux, plus proches, députés à l’assemblée française, chefs coutumiers et notabilités locales qui ont marqué de leur emprunte la marche de nos communautés vers l’unité. Parler sans langue de bois de leurs divergences et conflits internes, mais aussi de leur longue et dure lutte pour s’imposer à la communauté internationale. Partout dans ce monde, et plus particulièrement chez nous, chaque fois que l’homme fait des impasses ou des omissions volontaires dans la lecture de son histoire, des trous dans le temps, des trous noirs, c’est qu’il a quelque chose à cacher. Quand il s’évertue à déchirer quelques pages, escamotant toute une période, en passant à l’occasion un coup de gomme sur des noms et des visages, c’est qu’il va mentir ou faire mentir l’histoire. Cette période que constituent la résistance courageuse à l’occupation coloniale d’une part et de l’autre, la volonté farouche d’imposer la Mauritanie comme membre de la communauté internationale est un condensé d’une importance capitale de l’histoire de ce pays sans lequel, toute vision de cette Mauritanie serait falsifiée ou tout au moins erronée.
Pour nous réapproprier notre passé et maîtriser notre destin, nous nous devons de cesser de regarder notre histoire à travers le prisme déformateur colonial. Les supports laissés par les campagnes administratives et militaires coloniales ne peuvent nous servir que lavés et mille fois rincés de leur aspect très partisan.
De nos jours, la course effrénée pour l’argent facile a supplanté la vocation pour l’accession aux valeurs immatérielles que sont la connaissance, le sacrifice, le patriotisme… Ceci est, à n’en pas douter le prélude à une déchéance sociale et morale inquiétante, conséquence de la rupture du lien qu’un peuple se doit de maintenir et d’entretenir avec son passé. C’est la continuité de cette dynamique historique qui fonde la raison d’être de toute nation, c’est également elle qui porte et guide ses ambitions. Bien plus grave que la pauvreté, la perte des repères qui fondent une société équivaut à la perte de sa raison d’être en le vidant de toute ambition pour l’avenir. Si notre jeunesse est aujourd’hui à ce point de déculturation, de perte de repères et de dépravation, nous y avons été pour beaucoup, nous autres aînés et parents pour ne leur avoir pas inculqué les valeurs morales et culturelles devant constituer le socle de leur personnalité en devenir. Nous en portons une lourde responsabilité pour leur avoir donné le goût du gain facile : La contrebande, la contrefaçon, les trafics en tous genres, le narcotrafic, l’usage du faux pour combler les déficits et couvrir l’illégalité… Rien d’étonnant alors qu’ils soient à ce point désorientés. Le pire est que jusqu’à une date récente nous continuions sur la même voie, c’est ainsi qu’en réponse aux graves problèmes qui risquaient de compromettre l’existence même de notre pays, nous ne leur offrions que des solutions d’esquive et de déni, une fuite en avant qui ne présageait que des catastrophes programmées, certaines. Nous avons pris depuis peu, Dieu soit loué, sous l’impulsion courageuse du Président Mohamed Ould ABDEL AZIZ la mesure du danger de la dérive amorcée et surtout, le courage d’appeler un chat, un chat.
A cette jeunesse à l’avenir déjà très compromis, nous risquions de ne léguer en guise d’héritage qu’une bombe à retardement, faute de nous être acquittés de notre devoir convenablement. Il n’est jamais trop tard pour bien faire dit-on, attelons-nous donc sans tarder à essayer de leur laisser les bases minimales d’une société viable ; unie, économiquement assainie, immunisée contre la mal gouvernance, surtout attachée à son passé et fière de celui-ci. En leur léguant cet acquis minimum, mais essentiel et après leur avoir valorisé leur histoire et leurs symboles nationaux nous leur donnerons ainsi des chances de se reconstruire petit à petit.
Ainsi auront-ils la chance de voir naître cette nation unie et égalitaire que nous, leurs aînés avons échoué à faire par le fait de nos utopies primaires, notre mauvaise foi et nos égoïsmes congénitaux.
Le tableau est certes sombre, même très sombre, mais le fait d’en avoir pris conscience est en soi une étape essentielle pour le redressement des choses. C’est peut-être après tout, au sortir des ces blessures et de ces innombrables obstacles que devra un jour éclore cette Mauritanie dont nous avons tant rêvé.
Ne compte-t-on pas parmi les plus grandes nations de notre siècle, les plus prospères, celles-là justement qui avaient disparu sous les bombes des deux guerres mondiales ?
Bien avant elles, d’autres belles civilisations n’ont-elles pas rejailli des cendres oubliées de Pompéi, de Rome, de Carthage... ?
BABY Houssein
category: