Vers où me conduira ce voyage sans fin?
Il m'est difficile de répondre : le chemin parsemé d’embûches n’est pas tracé, et les destinations nombreuses rarement bien identifiées.
Toutefois, cela ne m’empêchera pas de continuer mon périple. Un périple dont je ne sais réellement pas grand-chose : ni quand, ni comment, ni pourquoi, je l’ai entrepris. Si j’y tiens, ce n’est pas parce que je suis tenace, ou parce que je suis un nomade amoureux des grandes méharées ou traversées, mais tout simplement parce que je n’ai pas d’autre choix que de suivre l'aventure de la vie.
Cette petite halte faite, je reprends la route.
Un point d’arrivée apparait progressivement à l’horizon. Je le désigne exactement comme je le perçois : "Une seule certitude dont je ne doute pas : je doute ».
Je trouve avec une certaine fierté que l’appellation exprime tout à fait mon ressenti.
Par contre, bien que courte, la phrase risque d’être un peu trop longue, comme identifiant toponymique. Je crains que cela soit l'opinion qu’en feront probablement topographes, tour-opérateurs ou tout autre professionnel du voyage ; c’est-à-dire les techniciens pour qui des mots comme : destination, chemin, déplacement… restent exclusivement du domaine matériel lié à l’espace géographique et ses caractéristiques ou éléments constitutifs, précis et aux sens unidirectionnels.
À défaut de pouvoir développer un argumentaire différent, je préfère me taire. Effectivement, je ne vois pas quelles autres significations opposer aux sens conventionnels qu'ils ont du départ, du mouvement, de l’arrivée...
Néanmoins, je ne cède pas à leur définition des points cardinaux, bien trop rassurante : je m’accroche au doute. Il est à la fois mon repère de base et mon bon chemin. Il me sert de main courante qui conduit vers une autre destination encore plus grande, vers une certitude encore plus forte : mon ignorance est sans limites.
Voilà deux directions qui donnent une contexture à mon voyage. Quand je rêve de sillonner l’immensité de mes incertitudes, quand je cherche à aller loin dans l’inconnu, je donne des couleurs à mes limites : je les sens.
J’avoue que de telles sensations, sans cesse renouvelées, ne font pas toujours plaisir. Mais elles n’empêchent pas le voyage de continuer, de perdurer. Bien au contraire ! Elles le stimulent, le nourrissent, nous conduisant toujours vers de nouveaux espaces, sous d’autres cieux.
Par ailleurs, je comprends ceux qui s’interrogent sur l’essence même de ce voyage perpétuel, à répétition, sur cette navigation tout azimut qui continue sans malgré vents et marées, sans destination précise, sans jalons nettement visibles. Comme eux, je me demande parfois : tout cela ne revêt-il pas un aspect absurde ? Quelle que soit la réponse, elle comportera forcement un va-et-vient perpétuel entre le ‘’oui’’ et le ‘’non’’, entre l’absurde et le raisonnable. Des allers-retours avec pas mal d’arrêts à des stades intermédiaires entre l’affirmation et la négation.
Ces oscillations m'amènent à voyager sans discontinuité dans mes propres pensées, dans mes sensations. C’est vrai cependant que beaucoup de mes certitudes en prennent des coups, parfois mortels. Pour autant, je ne les pleure pas toujours ! Bien des fois leur disparition me soulage même.
Beijing , juillet 2015
El Boukhary Mohamed Mouemel