Passion *... (des mots)

La plume se penche amoureusement sur le papier.

L’encre doucement s’y dépose et le miracle a lieu, immédiat.

L’amour donne naissance aux mots.

Pas de ces mots froids engendrés par la machine à écrire,

pas de ces mots virtuels crachés par un ordinateur,

des mots vivants!

 

D’abord c’est un point qui se délie,

forme une boucle ou un trait,

un accent, une virgule,

une lettre, une autre encore et l’enfant jaillit

suivi d ‘une ribambelle d’ autres;

grossesse jamais menée à terme, 

enfants déjà grands.

Chacun est différent, par sa forme ou sa nature

par son humeur ou sa couleur.

 

Il y a des enfants - mots et des mots d’enfants,

des mots d’humour et des mots d’amour,

des mots indiens ou africains,

idéogrammes chinois ou japonais,

nés de la passion de l’encre et du papier.

 

Il y a de l’érotisme dans le mouvement de la plume,

et le papier s’ouvre, absorbe, se délecte.

Qu‘il soit “extra-strong” de soie ou d’aquarelle,

il vit sous l’encre fluide qui se love sur lui comme une femme contre son amant, jamais rassasiée.

 

Encore, encore des mots, 

des mots cruels, des mots tendres, 

des mots de rupture ou de réconciliation,

des mots jeunes ou vieux, 

des mots d’ accueil, des mots d’adieu.

Extase toujours renouvelée, 

enfantement sans fin

et toujours faim d'enfants.

 

Parfois, sous la main hésitante d’une gamine,

l’encre s’étale en grosse tache bleue:

un mot mort-né, 

un mot avorté, 

écrasé sur la feuille endeuillée.

 

Le tourbillon ne s’arrête que lorsque la main fatiguée prend un peu de repos,  

lorsque l’inspiration semble tarie.

Alors encre et papier se regardent et la tristesse les envahit :

" comment, séparés, déjà ? 

Viens, viens vers moi, écris je t’en supplie, caresse-moi,

donne-moi encore des enfants, 

donne-moi des mots,

des mots que je mettrai en poèmes, en prose, en nouvelles, en livres :

ne dit-on pas d’ un écrivain qu‘il pond?"

Intermédiaire dont jaillit l’idée, semence indispensable,  qui tient fermement la plume emplie d’encre et se penche amoureusement sur le papier, 

encore, encore et encore...

 

Texte et photo : Mona Mac Dee.

Extrait du recueil: De vent, d'eau de pierres et de silence. Protégé.2006

Source : Monazarts

 

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 * L’auteure, Mona Mac Dee (photo ci-dessous), est une bonne amie de l’Afrique et de la Mauritanie. Généreuse, à la fois écrivaine et artiste plasticienne, elle a autorisé « mauriactu.info » à publier ses textes et toiles. Nous la remercions chaleureusement.

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