Les étrennes des Sables/ Par : Mohamed Yahya Ould Abdel Wedoud

Loin, au-delà des villes et des cités
Symphonie de vents sourds et de rumeurs
Loin, un désert, un bateau sans rameurs
Sur des eaux sans poissons que tous quittaient

Loin, au-delà des fleurs et des forêts
Forêt vierge sans verdure
Terre où tout est vent sec et froidure
Ténèbres tapissées de feux dorés

Loin, au-delà des mers et des couleurs
Sous un ciel nuageux, sans lueurs
Dépaysés, car exilés des eaux
Les arbres, ces longs nerfs sans nids d’oiseaux

Aux cieux hauts, lointains, disent, dépités
Leurs pleurs, leur profonde amertume,
Longue attente au milieu des dunes
Dans la nostalgie de l’antiquité

De peur d’un jour qui tarde à venir
Ces échos muets, venus du passé
Malheureux, se lamentent au souvenir
Du jour qui ne cesse de repasser

Ces rêves par le soleil asséchés,
Ces cœurs en deuil, amputés des deux mains,
Voient, hagards, s’évanouir aux lendemains,
L’horizon, qu’ils n’ont cessé de rechercher

Voyez, mais, voyez donc l’Afrique éteinte
Qui, de silencieux spasmes atteinte,
Compte des fois les années heureuses
O pays, exil des plumes rêveuses !

Condamné, vivant au compte à rebours
Humble, ne rêvant que de fontaines,
Mon pays dort, gisant sur son parcours,
Loin du Soleil des contrées lointaines

Afrique, pays de joie, de chansons,
O pays des amours, des étreintes,
Afrique, pays de pleurs, de plaintes,
O pays des cultures sans moissons,

Te voilà seule, implorante, à genoux,
Nous voilà yeux en larmes et cœur saignant,
Voilà les vents se refermant sur nous
Et nous revoilà dans le sang baignant !

Toi, Afrique, tu verses mes larmes
Et moi, cœur fendu, saigne de tes plaies,
Toi et moi, déshérités, sans armes,
Dans la peur, la souffrance, on se complaît,

Fantômes sans os, mais si forts, si fiers,
Courant après des projets incertains,
Nous, rois de demain, esclaves d’hier,
Fronts altiers, brillant de feux éteints

Pourquoi sommes-nous si seuls, si frêles ?
Pourquoi mentir ? On est tous malheureux !
Regardez l’horizon si vaporeux !
Pourquoi craindre que les vents s’y mêlent ?

Allons en avant, poussons les charrues,
Un moment, sortons de notre torpeur,
N’ayons plus trop froid, n’ayons plus trop peur.
Allons prendre possession des rues !

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