Qui est le plus fort parmi ces deux-là : Jeune Afrique ou bien l’intouchable fondateur de la confrérie des mourides, mort depuis un siècle à une décennie près?
En publiant il y a quelques jours, sur son site internet, la photo du Cheikh Ahmedou Bamba sous forme d’une caricature du dessinateur Damien Glez, l’équipe Jeune Afrique a commis une erreur difficilement repérable. Surtout que l'image servait d'illustrtion pour un article traitant de l'homosexualité, une pratique interdite dans l'islam. François Soudan, le reconnait clairement, sans détour, sur un ton où le remords est quand même assez perceptible.
Comment expliquer cet aveu du directeur de rédaction du premier magazine panafricain par sa diffusion et son audience ?
Je ne saurais répondre, mais je donne entièrement raison à l'auteur : il faut éviter de se mettre à dos les adeptes du fondateur de la puissante confrérie des Mourides. Ce « grand marabout de Touba », qui a dû inculquer courage et indépendance d’esprit à ses talibés. Son pacifisme n’allait-il pas de pair avec son anticolonialisme au point de dérouter l’administration coloniale qui peinait à justifier les mesures répressives prises à son encontre ? Ainsi, peut-on lire à ce propos dans un rapport émanant de cette administration pour établir le bien-fondé de l’exil au Gabon auquel elle condamna Cheikh Ahmedou Bamba en 1895 :
« Il ressort clairement du rapport que l'on a pu relever contre Ahmadou Bamba aucun fait de prédication de guerre sainte, mais son attitude, ses agissements, et surtout ceux de ses principaux élèves sont en tous points suspects. »
Quelques années plus tard, quand cette même administration a pris la décision de collaborer avec lui, Khadimoul Rassoul ( serviteur du prophète ), et Serigne Touba, a répondu positivement tout en gardant ses distances, allant jusqu’à refuser la Légion d’honneur.
Fin connaisseur de l’Afrique Subsaharienne et du poids des ses confréries islamiques, François Soudan ne veut manifestement pas que son magazine soit perçu comme "ennemi de l’Islam" ou comme "provocateur malveillant à l’égards des musulmans" dans la région. C’est probablement le message qui ressort de l’article qu’il signe dans Jeune Afrique sous le titre : « SÉNÉGAL : J.A., le Cheikh et les talibés ».
Par ailleurs, quel que soit le mobile de François Soudan, réconnaissons que, pour la circonstance, il n'a pas manqué de courage intellectuel avec une telle remise en question de sa part.
El Boukhary Mohamed Mouemel