‘’Lehroub ma isselek’’ (disparaître ne protège pas).

 

Pourquoi ne pas avoir son propre cimetière personnel?  Je pense à avoir un, spécialement pour moi. J’y enterrerai plein de choses plus ou moins douloureuses, plein de mots bizarres, plein de couleurs moches… qui s’agglutinent en moi, autour de moi, qui viennent de moi ou vers moi.

Comme tous les morts, ils y demeureront en attendant leur résurrection qui interviendra fréquemment. C’est dire qu’ils me feront toujours quelques soucis : mal aimés, ils s’exposent aux risques de profanation à cause de leur forte présence qui continue de déranger ou d'gacer après leur enterrement.

En effet, plusieurs tombes s’y prêtent. Il y a très probablement parmi mes collègues officiers, parmi mes supérieurs, ou même parmi mes stagiaires ou mes subordonnés des gens qui détestent les corps de ces morts non regrettables, et pas du tout comme les autres, que je suis supposé maintenir en vie à leurs yeux. Ils s'appellent : des mouvements mal contrôlés, des mots désagréables, des regards indiscrets… des méchancetés impardonnables... que j’ai pourtant déjà enterrés devant eux à la façon habituelle chez le commun des mortels. Ce n’est donc pas en leur renouvelant, de manière simple ou imagée, mes sentiments de loyauté, ni mes excuses et demandes de pardon, ni mes explications ou mes renoncements, qu’ils changeront leur perception négative à l’égard de mes erreurs ou fautes, réelles ou supposées.

 Il s’agit donc d’un vrai risque de profanation que court le cimetière de mes conneries, vraies ou fausses, petites ou grandes. Mais je dois composer avec. Que voulez-vous : il n’y a pas de plus résistant que la mémoire du mal ! Chacun en fait sa lecture, une lecture toujours vivace; et les souvenirs accusateurs que l'on en garde, continuent de sévir ou naissent, même après la mort de l’être ou de l’objet que l’on déteste ou que l’on a détesté.

Atar, fevrier 1990

 Capitaine El Boukhary Ould Ahmedou Ould Mohamed Mouemel ».

Ces quelques mots retrouvés justement dans mon petit ‘’cimetière de mots’’, dans mes archives, je les assume encore aujourd’hui. Certainement beaucoup même plus qu’au moment de leur écriture, il y a plus d’un quart de siècle.

Une rémanence ? kham, je ne veux pas trop savoir.

El Boukhary Mohamed Mouemel

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