LE PRESIDENT QU’IL NOUS FAUT[i]

« Si tu peux rencontrer triomphe après défaite et reconnaître ces deux menteurs d’un même front. Si tu peux conserver ton courage et ta tête quand tous les autres les perdront. »  Rudyard Kipling

S’il est un constat sur lequel les mauritaniens semblent unanimes, c’est que le pays se trouve aujourd’hui à une croisée des chemins, dont la complexité interpelle chacun d’entre nous et qui ne saurait être le prélude d’un nouvel élan national que si nous arrivons à sécréter, puis à identifier, l’homme (le président) qui, par le bon sens, la maîtrise de soi, la maîtrise de nos épineux dossiers et la maîtrise des règles dictées par la situation nationale et internationale.

.Il ne dépend désormais que de notre attitude collective et des ambitions que nous nourrissons pour notre avenir, et qui doivent présider au choix de notre futur dirigeant, pour que la Mauritanie s’oriente résolument vers le progrès et la stabilité politique, ou qu’elle se transforme en une poudrière dont le processus de mise à feu peut être déclenché par une simple querelle au parlement ou par une petite contestation qui naîtrait sur le campus de l’Université.

Ce Président dont la mission consiste à concevoir, planifier, mettre en œuvre et gérer nos stratégies futures de développement sur le triple plan économique, social et politique, n’a pourtant rien d’un messie même s’il en a la principale caractéristique qui n’est autre que celle d’être attendu avec impatience et beaucoup d’incertitudes.

Ce Président doit commencer par s’inspirer de l’esprit humaniste et de la choura qui nous a valu de rester un ensemble cohérent bien avant l’Etat colonial, ce qui permet de résoudre, loin des passions, la problématique nationale de mésentente et de discorde.

Les solutions à cette problématique, qui constituent des défis autant qu’elles représentent les principaux enjeux futurs, doivent nécessairement être la base et les repères d’un mandat qui se mesurera à l’aune de la justice, de la démocratie et du développement économique, et qui ne vaudra que par sa capacité de tourner la page de nos traumatismes et de nos suspicions réciproques.

Ce Président ne doit pas non plus être à l’image de certains chefs d’Etat du Tiers-monde qui pensent qu’une révolution à l’échelle nationale, quelques soient les moyens et les ressources dont elle dispose, peut mettre en péril un ordre mondial marqué par la localisation du potentiel scientifique, technologique et militaire de l’humanité dans un seul camp. Il faut qu’il puisse avoir des idées novatrices pour arrimer, étape par étape, le pays à la nouvelle configuration de l’ordre mondial.

Ce Président ne doit nourrir aucune sensibilité nationaliste étroite particulière. A ses yeux, la Mauritanie et ses intérêts stratégiques doivent passer avant le règlement des problèmes économiques et des conflits qui ravagent le monde, tout en assumant ses responsabilités vis-à-vis des uns et des autres dans le cadre des conventions et des relations internationales.

Il doit être capable de dépersonnaliser le pouvoir et d’en dépassionner l’exercice, se situant en permanence au dessus de la mêlée, il doit pouvoir nous éviter la mise dos à dos des ethnies, des régions et des tribus. Il doit nommer aux postes de responsabilité en faisant valoir les compétences et les valeurs individuelles intrinsèques, en s’interdisant la philosophie des cadeaux politiques et des prébendes qui « fidélisent » les bénéficiaires autant qu’ils révoltent les exclus généralement majoritaires.

Les dernières élections municipales et législatives doivent lui servir de tableau de bord sur la volonté réelle des mauritaniens, ce qui lui permettra de nommer une administration de mission et d’éviter ainsi la dérive qui a mené par le passé à la monopolisation des rouages de l’Etat aux seules fins de rester aux affaires et verrouiller tout possibilité d’accès aux compétences dont la mise en valeur était subordonnée à leur alignement politique

Notre futur Président doit être intellectuellement honnête, moralement propre. Il doit être apte au dialogue en lui reconnaissant les vertus qui sont siennes pour désamorcer, avant de les résoudre de manière civilisée, les crises les plus profondes.

Il doit avoir à l’esprit que les querelles de chapelles n’ont engendré que les impasses et les surenchères, faisant souvent de problèmes, au départ anodins, des questions d’ampleur nationale en leur appliquant, parfois à dessein, le surdimensionnement et la disproportion dans le traitement.

Le dialogue souvent négligé dans nos comportements politiques est l’une des caractéristiques fondamentales des règles et des « humanités » des nations civilisées qui nous ont précédées sur la voie du progrès.

En y faisant en permanence recours, elles ont renforcé la démocratie et stimulé par la même occasion, les réformes qui ont permis à leurs pays de faire reculer sans cesse les frontières de la course à la qualité dont disait quelqu’un « qu’elle n’a pas de ligne d’arrivée ».

Pour que cette approche ait quelque chance de réussir, notre futur Président doit combattre une tradition qui persiste chez nous et qu‘il convient de bannir. Il s’agit du refus des mauritaniens de terminer leur carrière administrative par le fait d’un égoïsme et d’une inconscience qu’ils arrivent souvent à transformer en une curieuse ambition argumentée.

Il doit à cet effet méditer l’entêtement de ceux qui ont servi l’Etat, refusant de rendre le tablier. Cette situation dangereuse a fossilisé 60% de nos ressources humaines.

Elle doit interpeller sa vigilance, car elle bloque depuis prés de 40 ans les ambitions de toutes nos générations à postuler à une carrière administrative, ce qui conduit nécessairement l’élite à être confinée au point de ne plus avoir d’élan patriotique.

On ne peut donc valablement lui reprocher d’être absente au niveau souhaité, d’être complaisante en se taisant ou de s’exiler. Ces générations ont le droit de nourrir les mêmes ambitions qui nous animaient à leur âge.

Ce Président doit aimer les arts, la littérature et le sport, non pour des raisons électoralistes, mais bien pour épanouir la personnalité du mauritanien en lui ouvrant des perspectives autres que notre système éducatif qui est à l’origine de tous nos maux et qui a compromis, les trente dernières années, l’avenir de plusieurs générations.

Enfin, ce Président doit être ouvert, souple et réceptif, autant qu’il doit être ferme, indépendant et sans états d’âme dés lors qu’il s’agit de prendre des décisions ou de faire face à des situations pouvant nuire à l’unité nationale, aux intérêts supérieurs du pays ou à l’avènement progressif de la Mauritanie moderne que nous devons bâtir sans tarder si tant est-il, que nous ne voulons la voir disparaître après s’être révélée imperfectible.

Ce portrait que nous avons dressé sans pouvoir être exhaustif, ne saurait suffire à lui seul si le peuple mauritanien ne répond pas à l’appel de l’histoire à qui il arrive de fournir des opportunités propices à la réalisation de grands desseins.

La période des coups d’Etat étant révolue, nous ne devons pas attendre de l’armée qu’elle vienne de nouveau nous débarrasser d’un Président que nous aurions nous-mêmes installé au pouvoir.

Alors nous devons bien méditer les avantages que nous pouvons tirer de l’élection pour instaurer de nouvelles valeurs républicaines et citoyennes en commençant par choisir, pour nous diriger, l’homme qui pourra prospecter lucidement les perspectives ouvertes par les nouvelles ressources minières et assurer que les importants revenus attendus soient surveille et ébaucher des a présent des politiques économiques orientées vers une distribution équitable qui profitera en toute priorité a nos populations les plus faibles pour les sortir de façon réelle et visible de leur pauvreté.

Alors, de grâce, ne tuons pas l’espoir de voir un jour le bout du tunnel, ne cassons pas la dynamique dans laquelle nous avons conjugué tous nos efforts et ne perdons pas cette chance tout en ayant à l’esprit que la partie n’est pas entièrement jouée et que bien de boulevards ouverts au gré de l’histoire des peuples ont débouché sur des impasses

Brahim Salem  Ould Elmoctar Ould Sambe dit Ould Bouleiba

MAI 2007

 

 

 

[i] J’AI ECRIT CET ARTICLE EN MAI 2007 AVANT L’ELECTION PRESIDENTIELLE ORGANISEE PAR LE CMJD SOUS LA SUPERVISION DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE. IL FAUT DONC LE LIRE EN  PRENANT EN COMPTE LE CONTEXTE  ET LE CLIMAT DANS LEQUEL S’EST EFFECTUEE CETTE TRANSITION.

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