Il y a deux ans, pour je ne sais quelle raison, j'avais écrit:
« Je suis dans mon coin, un peu à l'écart de la petite animation familiale joyeusement conduite par mon épouse. Je cherche à m’habituer rapidement aux privations que je m’impose depuis plusieurs heures. M’y soumettre de plein gré m’offre une énorme satisfaction.
Eh oui, s’acquitter de son devoir religieux est noble et, surtout, "très payant plus tard", comme chacun le sait dans le monde des croyants. Y penser me réconforte et me donne un moral d’acier. Tels sont la force et l’intérêt de la foi qui ne souffre d’aucun doute.
Mais la première journée de ramadan est coriace. Sa dureté s’affiche irrésistiblement. Je la lis sur plusieurs tableaux.
Côté physique, des maux de tête me font souffrir. Ils me rappellent douloureusement mon accoutumance au thé préparé à la mauritanienne. Une boisson chaude, omniprésente et délicieuse, dont je m’abreuvais à longueur de journée alors qu'elle me manque aujourd’hui.
Heureusement que j’ai abandonné le tabac depuis longtemps. Sinon il allait certainement, lui aussi, s’inviter dans les épreuves terribles de ce premier jour de ramadan.
Y ajouter un peu de faim et un peu de soif, tout juste ce qu’il faut pour me sentir pas tout à fait à l’aise, et voilà que physiquement le ramadan imprime sa marque dés que le départ est donné. Et dire que le marathon du jeûne vient à peine d’être lancé pour durer un mois encore !
Côté social, visiteurs et amis se font rares. Mêmes ceux qui sont virtuels !
Plusieurs abonnés aux réseaux sociaux ont déserté sans que je puisse savoir comment ; d’autres ont désactivé leurs comptes ; tandis que certains en ont changé le contenu ou la contexture, réservant beaucoup plus de places aux prières, aux incantations religieuses… ou tout simplement en diminuant fortement le débit des messages et/ou des partages.
De mon côté, je m’évade, voyageant dans mes pensées, transporté par les illusions, par le doute…
Après un bon moment, je me dis : il faut que je plante des repères afin que je puisse me retrouver... Et voilà qu'un premier jalon sort de mon esprit. Il s'affiche comme un slogan: "La eule certitude dont je ne doute pas, je doute".»
C’était en juin 2014.
Aujourd’hui, deux années plus tard, en ce début de ramadan, je me rends compte de mon mensonge à l’époque. Annoncer son doute avec autant de conviction ne laisse en effet pas de place au moindre doute. Avec une telle affirmation aussi forte, qui fait du doute une valeur cardinale, celui-ci se transforme de fait en certitude. Je le perds donc comme repère !
Mes pensées et sentiments vont devoir naviguer sans lui. Ou plus exactement, ils doivent considérer les marges d’incertitude difficilement perceptibles sur la boussole d’un doute qui s’affiche comme certitude, ou sur le cadran de certitudes gradué en doute.
Un beau cafouillage, cette confusion qui fait l'amalgame entre doute et certitude ! Elle manque certes de lisibilité. Mais c'est justement cette recherche permanante de repères, qu'elle engendre, qui la rend stimulante.
El Boukhary Mohamed Mouemel
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