Le dialogue : chacun a sa propre ‘’lecture’’

Le dialogue figure aujourd’hui comme un leitmotiv obligé dans tous les discours infligés aux Mauritaniens par les partis politiques, de la majorité comme de l’opposition. Dans leur majorité écrasante, les Mauritaniens, eux-aussi, déclarent, de toute la force de leur cœur et de leur raison, qu’il n’existe point de recette miraculeuse à cette division de notre classe politique que le dialogue en tant que  valeur sublime de notre civilisation musulmane et expression achevée de la culture démocratique. Ils éprouvent même une certaine lassitude  devant la division du pays en deux blocs politiques qui se heurtent, se repoussent, se blessent même parfois, alors que l’élémentaire réalisme politique et les nécessités nationales commandent le dialogue et la réconciliation nationale.

Pour quoi donc, malgré cette quasi unanimité de principe, si rare en politique, le dialogue escompté par tous n’arrive pas à se concrétiser sur le terrain ?

En réalité le dialogue, comme tous les concepts, à force d’être galvaudé et ressassé à volonté, perd sa signification étymologique première  jusqu’à signifier parfois  la chose et son contraire, en fonction des desseins visés et de la place qu’on occupe. Cela est d’autant plus vrai  en politique où les détours, les ruses, les calculs,  les habiletés des hommes parviennent, pour un but visé, à «  corrompre des choses qui d’elles-mêmes sont belles et bonnes », comme disait Montaigne. Et c’est pourquoi nous assistons aujourd’hui à deux conceptions  différentes  du dialogue, chaque partie ayant sa compréhension propre. 

Pour le président Mohamed Ould Abdel Aziz, initiateur de ce dialogue, et de sa majorité, le dialogue ne répond aucunement à des obligations constitutionnelles, et encore moins  il n’est motivé par une situation difficile que connait le pays. Loin s’en faut ! Il  émane, au contraire, d’une profonde conviction démocratique et d’une responsabilité nationale visant à faire participer activement et effectivement tous les Mauritaniens, nonobstant leur appartenance politique, à l’œuvre d’édification du pays déjà résolument engagée. C’est une opportunité historique pour tous les Mauritaniens, majorité comme opposition, partis politiques comme organisations non gouvernementales, de se parler, de s’écouter, avec modération , tolérance, sens aigu du possible, sans sujet tabou ni préalables, sans ressentiment ni idées préconçues,  et de chercher ce qui les rassemble et, au-delà, de trouver, dans leurs différences d’approche, matière à un débat d’un style nouveau, qui serve notre bien commun, qui enrichisse la démocratie et qui nous épargne de consumer des énergies indispensables  dans un monde en pleine mutation.  Tels sont les objectifs nobles assignés au  dialogue  par le P0résident de la république et qu’il n’a cesse de réitérer.

Pour l’opposition réunie au sein du FNDU, qui s’affuble pourtant d’oripeaux démocratiques, le dialogue est assorti de préalables, conditions sine qua none pour leur participation ; un dialogue qui doit faire table rase de tout le processus enclenché depuis 2009, de ses résultats politiques, et aboutir  obligatoirement à des concessions de poids de la part  du pouvoir. En un mot, l’opposition, par le biais du dialogue,  veut être ‘’illico’’ tout, même au mépris du rapport de forces sur le terrain, cette loi d’airain dans toute démocratie. Il va sans dire qu’une telle approche est fondamentalement en contradiction avec l’esprit d’un dialogue qui se veut constructif, débarrassé des agendas politiques personnels et aboutissant à des résultats d’intérêt national. Un dialogue comme celui organisé avec les partis de la CAP en 2012, et qui est parvenu à des résultats positifs, notamment dans le domaine de l’ancrage de la démocratie et des droits de l’homme, de la création d’une CENI chargée de la supervision des élections indépendantes et transparentes. Comme aussi le dialogue préliminaire tenu en Septembre dernier, et qui a démontré, si besoin en est, que les Mauritaniens, venus d’horizons politiques divers et appartenant à tous les pans de la société civile, peuvent se rencontrer, discuter et aboutir à des conclusions consensuelles portant sur tous les domaines de la vie nationale ; des conclusions auxquelles le FNDU est convié par les pouvoirs publics  à discuter le contenu et, si le besoin se fait sentir, à amender. Une opportunité  supplémentaire que l’opposition doit nécessairement saisir dans l’intérêt bien compris de la Mauritanie et conformément au vœu clairement exprimé  par l’opinion publique. Et dans une démocratie, l’opinion du peuple n’est-elle pas ce tribunal permanent dont les sentences finissent toujours par rejoindre le jugement de l’Histoire ?  Docteur Abdallahi Ould Nem

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