La Mauritanie, je l’aime et j’y reste. / par Jemila Cheikh Bouka

Au lycée, je rêvais déjà de faire des études universitaires ailleurs, loin de mon pays : en  France, au Canada, etc.

Le destin en a voulu autrement. Mais sans trop de regret de ma part.

J'ai connu des tas de gens qui m'ont élevée.
Je suis le fruit d’un faisceau d'éducations aussi convergentes que diverses et évolutives : d’abord  mauritanienne, puis marocaine et actuellement sénégalaise. Et mon périple en quête de connaissance continue d’ignorer les frontières. Cette curiosité inassouvie qui m’anime, qui me nourrit, j'en suis fière.

En effet, je ne dois pas me plaindre : de là où je viens, les filles n’ont pas toutes la chance d’aller à l'école, à plus forte raison sortir du pays à la recherche de diplômes universitaires dans des pays étrangers.

J'ai croisé des personnes qui m'ont fait savoir d'une manière ou d'une autre que je ne suis pas faite pour vivre en Mauritanie, que je ne doive pas "y perde mon temps", disent-ils, que je n'aie qu'à aller vers cet "Ailleurs" pour "réussir", dans un autre environnement qui me convienne…

J'ai tout simplement pris leurs paroles pour des compliments, tout en me disant :

« Si l’on estime tant une simple personne comme moi, médecin ou chirurgienne, pour son statut professionnel - qui n'a d’ailleurs rien d'extraordinaire dans la mesure où des pays voisins en ont plein- on doit accepter que j’ai bien pas ma place en Mauritanie. »

Suivant leur raisonnement, des questions troublantes me tourmentent. A les écouter, je ne peux m'empêcher de me demander :

Qui restera en RIM* alors? Pourquoi la Mauritanie ne mérite-t- elle pas ses filles et ses fils? 
Moi, ma logique est tout autre : mes semblables et moi-même nous devons y rester, malgré les sacrifices que cela pourrait nous coûter.

Je suis arrivée à ce point de ma carrière grâce en partie à mon identité mauritanienne, grâce notamment à l'argent du contribuable mauritanien que je percevais et que je continue de percevoir sous forme de mon ancienne bourse d'étudiante ou de mon salaire actuel de médecin.

Il est de notre devoir de ne pas nous soustraire au devoir. Oui, je dis bien : devoir ! Car notre pays a besoin de nous. Et si jamais nous faisons le choix de le quitter, moralement, nous perdons le droit à la critique, le devoir de proposition, le droit à la parole.
Observer de loin et critiquer c’est vraiment facile ! Par contre, rester sur place et agir en connaissance de cause ont besoin de courage, de sens de responsabilité, et de sacrifice.

Alors nous restons en Mauritanie et prouverons aux autres, si Dieu nous donnera la vie, que nous aimons ce pays, que nous y croyions.
Nous apprendrons ainsi à nos enfants ce devoir du sacrifice que nous leur léguerons.

« Chaque génération découvre sa mission, l’accomplit ou la trahit », disait Frantz FANON.  

How deep and true is your engagement? 
It's all about that!

 

RIM: République Islamique de Mauritanie

Source : Page face book Jemila Cheikh Ol Bouka

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