L'égaré de Souika

Nous étions des jeunes écoliers, une centaine environ, venus de toutes les régions de Mauritanie pour aller en colonie de vacances au Maroc. C’était en 1977. Le chef de l’excursion s’appelait Mr Lo, un inspecteur de la jeunesse. Mon groupe à moi avait pour monitrice Nasserhalla Mint Alboukhary et comptait dix garçons parmi lesquels mes amis Abdelkader O. Md Salek, Hemeid O. Ahmed Cherif et Houssein O. Maouloud. Nous avions séjourné dans un premier temps, tous ensemble, à Bensemime, dans un camp de vacance qui avait pour cadre une forêt, ensuite la colonie s'était scindée en deux : le premier contingent fit un crochet du côté de Fès et Meknès, le second qui était le mien se rendit à Mamoura afin de prendre part aux festivités marquant la fête nationale de l‘enfance de cette année-là.
Comme on résidait à proximité de Rabat, nous le groupe de Mamoura, le marché de Souika était une curiosité à ne pas manquer. Les organisateurs nous offrirent ce grand plaisir, un shopping à l’un des souks les plus anciens du Royaume chérifien. En file indienne, Nasserhalla mena ses gosses à travers ce labyrinthe merveilleux constitué de bazars et d’étals de marchandises aussi abondantes que diversifiées. Il y avait du monde, une marée humaine compacte, ça fourmillait comme dans une gare centrale au Caire ou à Paris. Evidemment, notre rang ne pouvait que craquer. Soudain, la vague me détacha de mes camarades et je me retrouvais tout seul au sein d’une foule inconnue et forcement inattentive. La catastrophe ! Où sont-ils passés ? Paniqué, j’avais cherché à gauche, à droite, dans tous les sens, mais en vain. J’étais perdu dans un pays étranger, en tout cas loin de Hessey Babou. Par reflexe, j’interpellai un monsieur qui avait l’air rassurant pour moi, peut-être parce qu'il était en uniforme Kaki, probablement un gars des forces royales. Seyidi ana mouritani dayi'a, vién albelisse : je suis un Mauritanien perdu, où se trouve la police ? Aji, me répondit-il !
Ce bienfaiteur, ''réquisitionné d'office'', me conduisit au poste de Police, là, à mon grand bonheur et à ma grande surprise, Nasserhalla et tout mon groupe y étaient aussi, parce qu’ils avaient raté leur car au point de ralliement. Heureux dénouement. En taxi, nous rejoignîmes le camp. C'était l'heure du diner. Tout le monde était à table, et dès notre entrée, les applaudissements, les cris et les cliquetis des fourchettes fusent de toutes parts, les égarés sont là !

Demain, au programme, il est prévu un défilé devant la tribune où seront assis le prince héritier Sidi Mohamed et les officiels, et à midi un repas en l’honneur des délégations. J’eus, en ce qui me concerne, la chance d’être parmi les convives. Ils y avaient en outre quatre autres garçons et une fille en la personne d’Aminetou Mint Fall Baba. Elle et un autre garçon dont j'ai oublié le nom eurent le privilège de partager la table du futur roi du Maroc, car ils pointaient première et deuxième de notre rang. Quant à moi, dernier dans la file, j’étais placé sous une autre guitoune et à table avec d’autres invités de marque...'' Tout est bien qui finit bien''.
E.O.S

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