Election de Donald Trump : une lecture croisée des réactions de deux journalistes mauritaniens

Election de Donald Trump : une lecture croisée des réactions de deux journalistes mauritaniens

Aussitôt que les résultats des élections présidentielles américaines furent connus, deux grandes plumes du journalisme mauritanien ont réagi séparément, chacun sur sa page face book. Leurs reflexions se croisent en deux ou trois points au minimum : déréglement, médias et géopolitique..

Pour Mohamed Fall Ould Oumeïr, qui est resté  très concis mais tout aussi profond, l’événement annonce un dérèglement du monde. Bien qu'il ne le déclare pas ouvertement, cette formulation nous rappelle la notion de dérèglement climatique auquel Trump accorde peu d’intérêt. Sur cet aspect, Mariem Mint Derwich est plus directe quand elle qualifie le nouveau chef de la Maison Blanche de « climato sceptique ».

Par ailleurs,  Ould Oumeïr, expliquue que ce nouveau monde déréglémenté est « imposé par les médias et l'urgence dans laquelle s’installent la peur et la haine exprimée de différentes manières... ». Sur ce point, Mint Derwich le rejoint. Selon elle, c’est en effet la presse américaine et internationale qui a permis le succès du candidat républicain en le "diabolisant à l’extrême".

Mais en plus de cela, la journaliste mauritanienne constate que l’élection de Donald Trump, 45° président des Etats Unis, soulève et pose des questions graves et précises : le mauvais choix des Démocrates qui a porté sur « Hilary Clinton, qui (…) fut, écrit-elle, la plus mauvaise des candidates qui soit » ; sous estimation du bilan du président OBAMA ; l'obsession des frontières et de l'immigration ; les incertitudes et craintes quant à l’avenir du monde sous le règne du nouveau Président américain, notamment : l’avenir de l’OTAN, les rapports des Etats-Unis avec l’Afrique et avec le Monde arabe, ses rapports avec l'Europe

Toutes ces questions, relatives à la  politique intérieure américaine ou à ses rapports avec les autres, Ould Oumeïr ne les évoque pas explicitemnt. Mais on peut facilement imaginer qu'il y pense profondement en parlant d'une géopoltique nouvelle, quand il écrit " C'est un monde nouveau, un monde qui s'annonce... ". Autrement dit : un monde qui suscite énormement d'interrogations où analystes et géopoliticiens trouveront bien des pistes de reflexion à explorer.    EBMM

 

Ould Oumeïr Mohamed Fall :

« La victoire de Trump est un autre indicateur du dérèglement du monde avec l'avènement d'un mélange de télé-réalité et de la vie de tous les jours... Avec une dose de populisme qui met en avant un discours grossier, brutal et construit sur l'exagération et la peur... 
C'est le monde d'aujourd'hui qu'imposent les médias et l'urgence dans laquelle installe la peur et la haine exprimée de différentes manières... 
C'est un monde nouveau, un monde qui s'annonce...
 ».

 

Mariem Mint Derwich :

« Donald Trump, 45° président des Etats Unis, hormis le fait que cela est une demi surprise, soulève et pose des questions précises, en dehors de tout affectif :
- la responsabilité de la presse américaine et, en général, internationale : en diabolisant à l'extrême le candidat républicain, les médias ont occulté tout ce qu'il y avait comme attente des américains. En se focalisant sur le côté "bouffon" de service, ils lui ont rendu service en faisant de la publicité pour le buzz.
- le rejet d'Hillary Clinton qui, à mon humble avis, fut la plus mauvaise des candidates qui soit. Je reste persuadée que beaucoup ont voté Trump contre Clinton. Non pas pour Trump.
- la sous estimation du bilan Obama. Là aussi les médias ont privilégié l'aspect sympathique de Barack Obama, mais l'humour, la couleur de la peau et l'élégance ne font pas une politique. Somme toute, Obama est aussi responsable de la défaite d'Hillary Clinton.
- en ce qui concerne l'Afrique, reste à savoir ce qui nous attend. Trump, à part des sorties ( là aussi le buzz, et ça a fonctionné) virulentes et racistes sur le Kenya et le Nigéria, n'a pas l'Afrique dans ses priorités, s'étant contenté, dans sa campagne, de tacler, là encore, les Clinton. Son allusion au Nigéria fait référence à la fin des années 90 et au financement de la part de l'ancien dictateur nigérian à la fondation Clinton. Et on ne peut pas dire que cela fait une politique étrangère africaine.
- Monde arabe : dans son discours de victoire Trump a fait une allusion appuyée au Général Flynn qui fut l'ancien chef des renseignements militaires sous Obama et dont des désaccords avec l'administration Obama lui feront quitter son poste. Aujourd'hui c'est le Général Flynn qui est le plus proche conseiller de Trump sur la politique étrangère. Ce n'est pas anodin et cela dessine la future politique étrangère de Trump vis à vis du monde arabe, même si elle reste floue. Les points clés en sont : « Tout ce que nous pouvions faire de mal au Moyen Orient, nous l’avons fait » ( Trump dans une interview au New York Times en début d'année 2016); changement de politique envers l'Arabie Saoudite accusée de ne pas s'investir militairement sur le terrain des conflits de la sous région et menacée, en cas de non participation militaire effective, de voir l'Amérique ne plus acheter son pétrole; indexation des pays arabes accusés d'être responsables, en partie, de la situation au Proche et Moyen Orient . Là aussi ne pas oublier les propos du Général Flynn : "Il faut s’adresser au monde arabe et lui dire, bon, vous avez une responsabilité". y ajouter la remise en cause de l'accord avec les iraniens ( à mettre en perspective avec la tiédeur des relations américaines avec les pétro monarchies, tiédeur déjà présente dans la politique de l'administration Obama), le rapprochement avec Poutine au sujet de la guerre contre l'EI, le soutien affiché ( permanence de la politique étrangère américaine) à l'Etat d'Israël
Si nous y ajoutons les propos trés islamophobes de Trump, je ne peux, là aussi, avoir une idée précise de la politique étrangère future de Trump vis à vis du monde arabe...Même si l'on voit se dessiner une rupture totale...
- Quid des accords sur le climat? Trump est un climato sceptique. 
- L'obsession des frontières et de l'immigration ce qui est un paradoxe pour un magnat du bâtiment qui a bénéficié de la main d'oeuvre immigrée aux Etats Unis. Comment gérer les contradictions? Comment gérer l'isolationnisme?
- L'Obama Care : avec un pouvoir absolu ( Congrès et Chambre des Représentants Républicains) Trump a annoncé l'abrogation de cette couverture sociale. Et il réussira, maintenant que les Républicains sont partout... Retour à la case départ?
- L'appui total au second amendement au sujet des armes... 
- Quelles relations avec l'Europe? Cette dernière vient de lancer une invitation à Trump pour un sommet européano américain
- Quel nouvel OTAN? Trump a clairement annoncé que l'OTAN tel que nous le connaissons est obsolète. Un nouvel Otan sous quelle forme, avec quelles stratégies et quelles lignes directrices? (à mettre en perspective avec les interrogations sur les guerres au Proche et au Moyen- Orient)
- Et la question primordiale : comment tout le monde n'a t'il pas entendu cette Amérique qui pense toujours que les Etats- Unis vivent dans une crise économique? 
».

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