"....Il y a , dans l'espace entre une minute et une autre minute, tout un monde... A y bien regarder, si l'on tend l'oreille, on entend le décompte de ces 60 secondes qui jouent à l'éternité. J'ai toujours essayé d'attraper cet espace, ce temps dans le temps... petite fille je me disais que si j'arrivais à enfermer dans ma main cet entre minute, je pourrais étirer le temps jusqu'à le figer. Tout s'arrêterait, les gens , les bruits, les voix dans ma tête, l'absence...
A courir pour rattraper cette minute entre les minutes, j'en oubliais ma solitude et ma langue perdue.
Il me semblait que J'arrivais à ouvrir la bouche et à faire que des sons en sortent, une succession de bruits qui se donnent la main, ponctués par des silences.
Dans l'entre minute, un mot devenait un autre mot et de ma bouche naissait une parole.
Il m'a fallu des milliers d'entre minutes pour retrouver les mots à dire, ceux que les adultes souhaitent entendre. Une petite fille muette n'appartient qu'à ses silences. Elle échappe à ses parents, à son entourage .
J'avais choisi le silence pour ne plus avoir à oser.
Et je m'étais réfugiée dans l'entre minute... J'y parlais, volubile, bavardage incessant, comme un pépiement d'oiseau.
Je tournais , dans ce temps qui n'appartenait plus qu'à moi.
J'ai tourné, tourné et, un jour, j'ai regardé ma mère et j'ai reparlé..."
* Texte pris sur la page facebook de l'écrivaine Mariem Mint Derwich que Mauriactu remercie pour l’avoir autorisé à publier cet extrait de son roman en cours d’écriture.