Coronavirus : lequel des deux Biram écouter ?

« Je ne suis pas le Président de la République, je ne suis pas le Premier ministre ni le ministre de la Santé. Je n’ai aucun rôle à jouer dans la riposte du gouvernement à une pandémie.», vient de déclarer le député très controversé, Biram Ould Dah Ould Abeid, lors d’une interview réalisée récemment avec lui par l’Authentique.

Pour Biram, la lutte contre le Coronavirus ne le concerne tout simplement pas ; car il n’est ni « Président de la République, ni Premier ministre ou ministre de la Santé », justifie-t-il son manque d'intérêt pour la question de la lutte contre la pandémie. Et il confirme, en ajoutant dans la même interview: "IRA et moi-même, nous n’avons pas de contribution que l’on pourrait donner pour la lutte contre le Covid-19."

Un marché peu rentable... les haratines et les négro-africains oubliés...

Il est clair qu’en raison de la loi des nombres et de facteurs historiques de stratification sociale en Mauritanie, et en Afrique de façon générale, c’est bien au sein de la couche des haratines qu’il y aura probablement la majorité des citoyens et familles qui souffriront le plus gravement de la crise économique et sociale engendrée par le Covid- 19. Mais ce n’est pas tous les haratines qui seront victimes : le député Biram fait partie de la classe des privilégiés dont le statut social et les revenus les mettent à l’abri de la paupérisation qui menace les masses défavorisées.

Il est à noter par ailleurs  que les risques d’importation et de propagation de l’épidémie en Mauritanie sont à surveiller en priorité du côté des frontières du pays avec le Sénégal et avec le Mali. Là aussi, Biram ne semble pas se soucier beaucoup des dangers auxquels sont exposés les habitants riverains de ces régions qui sont constitués en majorité de négro-africains.

Pourtant, c’est au nom des haratines et des citoyens négro-africains qu’il cherche à vendre son « produit politique » à l’étranger. Et pour qu’il ait une résonance d’un niveau acceptable auprès de ses soutiens et amis étrangers, c’est cet électorat qu’il cible par son discours et sa propagande pendant les périodes électorales.

Mais en dehors de cela, et notamment sur le terrain de la lutte contre le Coronavirus, ces populations présentent peu d’intérêt suivant les calculs politico-politiciens de l’Honorable député !

Son « job » principal et ces centres d’intérêt sont ailleurs : surfer sur des vagues susceptibles de lui apporter des gains politiques personnels auprès de quelques auditoires et lobbys en Occident. Les accusations gravissimes « d’esclavagisme » ou « d’apartheid », qu’il colle à la Mauritanie, lui paraissent plus fructueuses, que sensibiliser les haratines ou les négro-africains sur les méthodes et manières d’éviter la maladie. Comme il est encore moins question pour lui de leur venir en aide financièrement, en œuvrant par exemple pour obtenir des soutiens au Fonds Spécial de Solidarité et de Lutte contre le Coronavirus.

Originalité ou duplicité ?

Il faut dire qu’en adoptant une attitude pareille, Biram fait montre d’une curieuse originalité. Les acteurs quels qu’ils soient, gouvernants,  opposants, hommes politiques, hommes d’affaires, opérateurs économiques, acteurs de la société civile… ont fait, quasiment tous, de la lutte contre le Covid-19 la priorité des priorités de leurs actions.

Biram, lui, annonce son refus de s’engager dans cette voie. Quitte à faire cavalier seul et à se contredire au point de faire preuve d’incohérence ridicule et suspecte.

Car, dans une déclaration précédente portant sur le Covid-19, faite en arabe il y a environ quatre à cinq semaines, il prônait une voie complètement à l’opposé.

« Moi, Biram Dah Abeidécrivait-il, à mon nom personnel et au nom de l’IRA (Initiative de résurgence abolitionniste), j'exprime ma solidarité, pleine et entière, avec le peuple et le gouvernement mauritaniens à la suite de cette épidémie, qu’Allah le Tout-Puissant nous en garde et qu’il protège notre pays, son peuple et ses habitants, et protège l'humanité tout entière.

(…) Cette pandémie appelle l’unité entre les différentes composantes nationales, politiques et non politiques ; comme elle nous incite à soutenir les dirigeants nationaux et à faire du bénévolat au profit du peuple jusqu'à ce que nous surmontions l’épreuve ».

Ce double langage est difficilement compréhensible. S'il ne révèle pas une certaine duplicité chez l'auteur, il pose en tout cas une question lourde de conséquences.

Lequel des deux Biram écouter : Celui qui démissionne face à un danger mondial qui menace gravement son pays et son peuple, en se contentant de dire qu’il n’a « aucun rôle à jouer dans la riposte du gouvernement à une pandémie » ? Ou plutôt l’Honorable député, militant et patriote, qui s’engage pour une large et forte mobilisation de toutes les ressources pour faire face à la pandémie;  qui appelle à soutenir les dirigeants nationaux et prône l’unité entre toutes les composantes du pays, y compris avec le gouvernement?

Il faut dire que les propos et attitudes contradictoires du personnage sont déroutants : duplicité, dédoublement de la personnalité ou manœuvre politique? 

Difficile de répondre, les frontières entre manouvre politico-politicienne et schizophrénie n’étant pas toujours aisées à établir.

El Boukhary Mohamed Mouemel

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