Le bilan épidémiologique quotidien publié ce soir par le ministère de la Santé ne constitue pas un motif de gaité. Au contraire, il porte un coup douloureux à une lueur d'espoir qui nous hante depuis deux ou trois jours.
Des données statistiques à l’encontre des attentes
Le nombre des contaminations a explosé de nouveau, passant cette fois de 176 cas à 241. Soit une augmentation de 65%. Et les cas graves ont continué leur montée, passant de 50 cas hier à 57 dans le bilan d’aujourd’hui. Il est vrai cependant que le rythme de leur hausse s'est ralenti ces deux derniers jours, passant de 20% hier à 14%. Un ralentissement qui n’est cependant pas rassurant dans la mesure où l'augmentation des cas graves, quel que soit son rythme, n'induit pas forcement une diminution du nombre de décès. Bien au contraire, la probabilité qu’ils augmentent dans ces circonstances reste très préoccupante – qu’Allah nous en préserve.
En outre, la baisse du nombre des tests de dépistage est également inquiétante. On constate en effet, d'après les résultats d'aujourd'hui, qu'ils ont diminué par rapport à hier. Ils passent de 1634 à 1525 tests; une diminution de 6,67%.
C'est quasiment le même taux dont ont augmenté les tests de dépistage selon le bilan épidémiologique quotidien d’hier. Cela pourrait signifier une fluctuation ou une instabilité inacceptable de notre stratégie dans un domaine aussi vital pour la lutte contre l'épidémie. Parce que les conditions graves actuelles exigent de multiplier et d’intensifier les campagnes de dépistage et de les maintenir à un niveau élevé tant que l’on n’aura pas infléchi serieusement la courbe actuelle de l'épidémie.
Quant au nombre de décès, il est resté stable pour la quatrième journée consécutive : 10 décès. Egalement, la répartition géographique n’a pas changé elle aussi s'agissant de l'étendue de l'espace territorial touché : le dernier bilan des tests positifs réalisés touche 19 Moughataa, comme on l’a observé hier également.
Comme déjà évoqué, ces données sont globalement préoccupantes. Alors que nous aspirions à confirmer la lueur d'espoir qui ne cessait de nous hanter ces deux ou trois derniers jours, nous la voyons s'estomper à la lumière de l'augmentation du nombre des cas de contamination et de malades graves, et à la lumière de la baisse du nombre des tests de dépistage. Cela en plus du fait que le nombre de décès reste toujours à un niveau élevé avec la possibilité d'augmenter. En outre, la large répartition géographique de l'épidémie indique qu’elle s’est propagée sur l’ensemble du territoire national.
Une courbe épidémiologique très inquiétante, mais réversible
Malgré la gravité de la situation, la courbe de l'épidémie est sujette à des changements dans un sens positif, si nous travaillons sérieusement dans cette voie. Nous devons tous, individuellement et collectivement, agir rapidement et fermement. Pour cela, une seule voie devant nous : observer les mesures barrières et la distanciation sociale. Citoyens et Etat doivent y veiller scrupuleusement : les premiers en les appliquant et le second en les faisant respecter.
Sur ce plan, les fonctionnaires et personnels directement concernés, publics ou privés, - quel que soit leur niveau - doivent être des modèles dans ce domaine, en particulier ceux qui sont sur les premières lignes du front anti covid. Par exemple, il est inacceptable que les travailleurs du secteur de la santé ou du secteur de la sécurité ne respectent pas les précautions qui demeurent le seul moyen de prévention jusqu’à présent. De quel droit, par exemple, le personnel médical ou paramédical, ou les agents et personnels de sécurité publique se prévalent-ils pour ne pas porter des masques ? Pourquoi voyons-nous fréquemment des patrouilles contrôler des citoyens ou conduire des contrevenants sans la moindre distanciation sociale et sans masques !
Le comportement exemplaire des uns et des autres constitue naturellement l’un des meilleurs indicateurs de visibilité d’une gestion harmonieuse et efficace de la crise. C'est à travers leur comportement et attitude que les gens imaginent et jugent le sérieux de la politique de l'État. Une politique qui devrait également avoir pour fondement une meilleure stratégie de dépistage. Il y a lieu ici d’améliorer le système, tant en quantité qu’en qualité.
Des campagnes de dépistage doivent être menées à grande échelle. Dans un premier temps, elles auront pour cible toutes les personnes symptomatiques et les personnes contactes. Dans cette phase, un effort supplémentaire doit être engagé en vue de mobiliser le maximum de ressources susceptibles de mette au point le plus grand nombre possible de tests PCR. Puis, le champ de ces campagnes s’élargira en procédant dans une seconde étape à des dépistages aléatoires de masses où les autres types de tests seront largement mis en œuvre.
Parallèlement à ces campagnes de dépistage et de rigueur dans l’observation des mesures barrières et de distanciation sociale, les autorités sont amenées à entreprendre les démarches nécessaires pour obtenir des vaccins anti covid adaptés à nos conditions climatiques, technologiques et financières. Par exemple : le vaccin américain, Pfizer – BioNTech, dont les conditions de stockage, de transport et d’emploi exigent qu’il soit conservé à -70 Celsius risque d’être difficilement convenable pour la Mauritanie.
Mais heureusement pour nous, il semble bien qu’il y a d’autres pistes vaccinales moins contraignantes à prospecter, en Chine, en Russie, aux Etats-Unis… La course et la concurrence sont acharnées dans ce domaine entre tout le monde : pays, laboratoires, industriels pharmaceutiques... n'y épargnent aucun effort. Profitons-en.
Tout en travaillant dans cette direction, et en attendant les résultats escomptés, nous pouvons d’ores et déjà inverser la dangereuse courbe épidémiologique que traverse notre pays. Pour ce faire, il suffit d’appliquer sérieusement les mesures de précaution sanitaires adéquates : mesures barrières, distanciation sociale… etc.
Comme nous devons revoir fréquemment nos politiques et stratégies sanitaires et y apporter les retouches et améliorations qu’implique l’évolution de la pandémie dans notre pays et dans le monde. Parmi celles-ci, un effort supplémentaire en matière de politique de dépistage semble prioritaire, sans oublier la course au vaccin. Une course dans laquelle nous devons nous engager à fond afin de ne pas être parmi les derniers sur la ligne d'arrivée des pays candidats pour obtenir ce précieux produit sanitaire tant convoité.
El Boukhary Mohamed Mouemel
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