… Cet homme là, c’était Viyah Ould Maayouf…(*)

1976. Awsred était "pacifié" depuis quelques mois déjà à l'issue d'intenses combats au cours desquels le Commandant Dieng Nazirou, le premier et meilleur artilleur de l'armée fut tué. Profitant d'une relative accalmie, le Commandant de région se rendit à Nouakchott. Ce jour là, il fut alerté que Awsred était sous le feu de l'ennemi dès l'aube. Les trois compagnies basées à l'intérieur des murs de la ville étaient prises sous un feu nourri et le Polisario était à moins de sept km, autant dire dans la ville. Quand il apprit la nouvelle de l'imminence de la possible reprise de la ville, le Commandant bouillonnait intérieurement. Il ne pouvait pas se permettre, comme si il en était responsable, de rendre vain le sacrifice de tant d'officiers, sous-officiers et hommes de troupe tombés pour la conquête de ce territoire, depuis le déclenchement des hostilités à La Guera, il y a de cela huit mois.
Il ordonna à son chauffeur de l'amener à l'aéroport , se rendit directement dans le bureau du commandant de base militaire et exigea qu'on lui donne un avion. L'ordre fut confirmé quelques instants plus tard par l'Etat-major. On lui mit donc à disposition un petit Cesna qui décolla dans la demi-heure qui suivit. Quand le coucou survola la ville, les combats faisaient rage et la piste d'atterrissage de fortune, aménagée pour ne recevoir que des avions militaires, était encerclée. Les balles sifflaient de partout, effleurant les ailes de l'avion.
- Mon commandant, dit le pilote à l'intention de l'homme. Il est impossible d'atterrir sans essuyer des tirs. Il y a un gros risque..."
L'homme se leva de son siège, dégaina son PA et le posa sur la tempe du pilote en disant:
-Oui, en effet il y a risque. C'est de voir ta tête voler en éclat et l'avion avec si tu n'atterris pas. Vois-tu mon ami, au sol, il y a des gens qui meurent pour défendre chaque pousse de terrain de ce fichu bled. Et ce sont mes hommes. Si cette ville doit être reprise par l'ennemi, ce sera après avoir marché sur mon corps. Pour rien au monde le sacrifice de Nazirou ne sera vain. Il est exactement dix heures trente du matin. A dix sept heures, il ne doit plus avoir un seul coup de feu vingt km à la ronde. Tu atterris ou je te brûle la cervelle."
Le pilote s'executa et à peine les roues de l'aeronef touchèrent le sol, la porte s'ouvrit et l'homme sauta. Une Land Rover était déjà garée en bout de piste, le cueillit et démarra aussitôt en direction de la base. De tous les flancs de collines qui entouraient Awsred sauf le côté Est, jaillissent le feu ennemi. Arrivé au PC, l'homme lança des appels radio pour connaître la position de chaque compagnie, de chacun de ses officiers, donna ses ordres et ce fut un grand soulagement d'entendre sa voix de ténor fuser sur les ondes. L'ennemi qui avait pu entrer dans les fréquences, commença à perdre courage en en entendant cette voix. C'était vraiment, dans la région, la terreur du Polisario. Aux alentours de quatorze heures, l'ennemi entreprit sa reculade vers le sud. Deux unités de renfort, l'une de Zouerratt et l'autre d'Argoub étaient venues prêter main forte. Le silence retomba sur Awsred et ses environs vers dix neuf heures. Et, comme disait Corneille, le combat cessa faute de combattants. Dix ans plus tard, je lui relatais ces faits dans mon bureau à la Ciprochimie, il me regarda un long moment et ému, il me dit:
"Ce jour là, j'étais mort... "
Cet homme là, c'était Viyah Ould Maayouf, cet homme qui vient de nous quitter. Nul n'a triomphé face à la mort et ce n'est pas honteux de mourir. On peut aimer ou détester Viyah, mais on peut lui reconnaître sa bravoure et son courage.
Puisse Allah le Tout Puissant l'accueillir en Son Saint Paradis.

-------------------------------------------------------------------------------

(*) Source : page facebook de Bakary Waiga

 

category: 

Connexion utilisateur