Au revoir, la Chine !

Ça y’est, je vais te dire : «  Au revoir, la Chine ! ».

 Je vais le dire à l’inoubliable hôte que tu fus pour moi pendant plusieurs mois. Des mois riches en sensations, en enseignements comme des décennies de questionnements, de découvertes, d’apprentissages...

Je vais le faire donc non sans sentir des remords d’apprenti qui quitte en quelque sorte son grand maître malgré lui. 

Je vais le dire à toi qui alimentes les curiosités inassouvies du monde, toi qui irrigues généreusement la civilisation universelle de tes confluents multiples.

Comment imaginer le monde sans ton histoire millénaire, sans ton authenticité aussi attrayante que déroutante, sans la diversité de ta richesse culturelle et humaine qui fait rêver comme une légende ! Comment l'imaginer aujourd'hui sans ta vitalité économique et intellectuelle qui suscite toujours l'envie, quelles que soient par ailleurs les variations de son rythme, sans tes produits et créations qui inondent la planète, mettant à mal les concurrences adverses ! 

Oui, je vais te faire mes adieux, à toi qui es ‘’Le’’ monde et, en même temps, un autre monde.

Tu sais faire ouvrir les yeux du visiteur sur plein d’autres horizons, en lui donnant une lisibilité authentique de « n’appartenir »(*) …  

Les impacts de ta force de fascination sont si forts sur lui, sur ‘’l’autre’’, sur celui qui a un regard différent ou plus court que les regards lointains du beau dragon que tu es… Ils lui donnent une image forte de toi, une image qui ne le laisse pas insensible, ni à ton charme, ni à tes paradoxes… Il en naîtra chez-lui une perception qui pousse à réfléchir profondément. Il aura l’impression de vivre une nouvelle naissance stimulante, rendant floues et inacceptables à ses yeux, désormais bien ouverts, les sentiments d’appartenance à un espace culturel précis, pour paraphraser Karim Miské dont j’ai cité le livre plus haut.

Tu enveloppes, en effet, l’observateur de cette profondeur multidimensionnelle aux contours indéfinissables que tu fusionnes en toi. Il se laisse emporter par des courants multiples, source de grande énergie inépuisable. Ces torrents balaient de leurs flots les inconvénients de l’appartenance unique, ainsi que les préjudices de son caractère réducteur.

Selon ma lecture, c’est bien là le sens de cette ‘’négation’’ identitaire souvent insaisissable, que revendique l’écrivain et documentariste franco mauritanien comme identité, quand il réfute les appartenances aux espaces strictement délimités. À l’échelle d’un pays, toi tu l’incarnes à ta façon, celle d’une très grande nation qui observe dans toutes les directions, seul le respect des autres faisant limites et moteur de tes ambitions.

C’est pourquoi je lis ton immensité dans les écrits et œuvres des auteurs aux regards omnidirectionnels, comme cet écrivain franco mauritanien, quelle que soit par ailleurs la thématique abordée. Lui, de son fief individuel multipolaire, se retrouve parfaitement à l'aise dans l’inter culturalité, grâce justement à son système de références aux sources variées, issues d’Europe,  d’Afrique et de bien d’autres parties du monde. Tel est le fond de sa réflexion, me semble-t-il, quand il met en relief, de façon paradoxale, les déficits de la pluralité culturelle ainsi que l'immensité de sa richesse, comme facteurs constitutifs de l'identité elle-même.

Fort de ma riche expérience depuis que j’ai foulé ce sol il y a un peu plus d’un an, je ne suis pas loin de penser comme Karim Miské.

À la fin de mon séjour dans le pays de la plus complexe et la plus ancienne civilisation continue sur notre planète, ma vision gagne en profondeur, en diversité, en découvrant d’autres repères, d’autres horizons.

En effet, je ne suis plus certain d’appartenir uniquement au pays dont je porte la Nationalité.

Au revoir la grande amie qui m’a beaucoup donné,

Au revoir la belle et généreuse Chine !

 Je rentre chez-moi en Mauritanie, mais toi, je ne te quitte pas.

 À bientôt !

 

                                                       Pékin, août 2015, colonel El Boukhary Mohamed Mouemel

 

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 (*) Karim Miké, ‘’ N’appartenir’’, Edition Viviane Hamy.

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