Les Byzantins, nos compatriotes / par : Ely Sneiba Bekar

Ailleurs dans le monde, on parle progrès scientifique et technologique, de révolution informatique, de la croissance, de la récession, de l'emploi, du chômage, de l'enseignement, de la hausse des prix, de la vie chère, du bien-être et du mal être… On discute aussi de la Gauche, de la Droite, du libéralisme, du socialisme, de la classe moyenne, du capital, de la fracture sociale, de l'écologie, de la société civile et des partis politiques… Ici, l'agitation tourne autour du Négro-mauritanien opprimé, du Hartani dominé, du forgeron marginalisé, et bientôt une autre chaîne de contestation à caractère communautariste. Nos contestataires abordent également de manière permanente la génétique et se demandent si les Beïdanes sont des Arabes ou des Berbères, et si les Berbères sont d'origine yéménite ou romaine, sans manquer au passage d'insinuer que l'attachement à la langue arabe n'est pas justifié, les Gaulois et les Koraïchites étant à équidistance des Mauritaniens dans leur diversité ! Le malheur est que les ethnies nationales sont, à tout point de vue, semblables. Ils ont la même structure sociale : noblesse d'épée et de robe, et les autres statuts sociaux, griots, forgerons, bergers, anciens esclaves… Au plan socio-économique, aucune composante sociale n'est totalement marginalisée ; il y a des commerçants et des hommes d'affaires, des hauts cadres et un large salariat au sein de chacune ; cependant d'énormes disparités existent, pour des raisons non concertées, liées pour l'essentiel au dynamisme intellectuel et économique des groupes. A vrai dire, la pauvreté et le dénuement sont partout, en milieux urbains, péri-urbains et ruraux, les trois quarts de notre population vivent dans une extrême pauvreté ; et le quart nanti restant est hétéroclite, sans exclusive, tout le peuple y est et à des degrés divers, bien sûr, sans nivellement automatique possible. Au plan des origines, la grande obsession, le débat est faux, trop faux, quelle est l'ethnie (Arabes, Haalpuular…) dont le lignage est pur ? Quel est le groupe social (Harratines, Forgerons, Griots…) qui descend du même ancêtre ? C'est de l'utopie. Pour la question linguistique, où est le pays où chaque ethnie n'utilise que sa propre langue ? Il n'existe pas. Donc, ici on se plante, nos élites perdent beaucoup de temps et d'énergie à deviser sur les faux-fuyants, alors que le problème est simple : notre pays est sous-développé, ce n'est pas une fatalité, et n'a jamais été gouverné aux normes en vigueur dans le monde évolué. En définitive, il y a querelles byzantines, et les Mauritaniens doivent évoluer, refuser la division et aller tout droit vers l'essentiel : vaincre le sous-développement. Une fois, le Mauritanien heureux à juste titre, il sera peu réceptif au chant des sirènes.

category: 

Connexion utilisateur